Au début du mois de juillet EFBA a fait l’objet d’une inspection par l’American Camp Association (ACA), l’organisme qui régule les hébergements de loisirs pour mineurs aux Etats-Unis. En attendant les résultats officiels en novembre 2019, nous avons cherché un retour d’expérience d’animateurs qui avaient travaillé l’année dernière et qui ont dû se mettre aux normes de l’ACA cette année sur nos camps. 

Entretien avec Thibaud Marcheteau (directeur intérimaire du centre de Mountain View en 2019, animateur en 2018), Louis Cellier (animateur à Emeryville en 2018 et 2019), Julia Peillon (directrice du centre de Belmont en 2019 et directrice du centre de Mountain View en 2018), venus de France pour faire la saison sous visa J1, et avec Solène Poulazhan (animatrice au centre de Belmont en 2019 et animatrice au centre de San Francisco en 2018), recrutée locale. 

Tous ces animateurs travaillent chez EFBA pour la deuxième année consécutive.

   

 

Question : Cette année EFBA a adapté ses centres aérés pour se mettre aux normes de l’American Camp Association. Par rapport à l’année dernière, quelles différences constatez-vous sur le terrain ? 

Louis : Je dirais plus de rigueur ! On a été formés à faire plus attention à l’hygiène, la manière dont on doit faire la vaisselle etc. Les choses sont beaucoup plus carrées. Dans l’éventualité d’une catastrophe, nous sommes beaucoup plus préparés. En cas de tremblement de terre, je saurai comment réagir. On est aussi mieux équipés : on a des kits de survie.

Julia : Comme il n’y a pas de réglementation en Californie, au début j’ai pensé que les règles de l’ACA seraient similaires mais moins strictes que celles de Jeunesse et Sports, puisqu’il n’y a pas de réglementation obligatoire. En fait les normes sont encore plus poussées qu’en France sur plein d’aspects, comme la préparation aux premiers secours qui n’est pas du tout obligatoire en France, on n’est même pas obligé d’avoir une personne qui sache faire les gestes de premier secours dans un centre aéré en France. Sur les quotas d’encadrement, les critères de l’ACA sont plus stricts qu’en France. On peut avoir un animateur jusqu’à 14 enfants de plus de 6 ans en France. Ici le quota est bien moindre. 

Solène : C’est mieux organisé ! On demande aux enfants d’avoir une casquette et une gourde. On s’assure qu’ils sont bien hydratés et jouent en sécurité ! Cette année on m’a montré les sorties de secours tout de suite. Je suis retournée aider pendant 3 jours à San Francisco cette année et le directeur du centre m’a montré direct les sorties de secours. Il les a aussi montré aux enfants. 

Thibaud : Je constate de nombreuses différences, même par rapport aux normes Jeunesse et Sports de la France : Il y a beaucoup plus de règles sur la prévention et la sécurité. Je vois la différence aussi en termes de confort, le fait d’avoir une infirmerie spécialement dédiée, le fait d’avoir des kits de tremblement de terre. L’accréditation nous a montré ce qu’il fallait améliorer pour avoir un centre idéal pour faire de l’animation. Maintenant nous savons ce qu’il faut faire et ne pas faire. 

Question : Qu’est ce qu’il ne faut pas faire par exemple ?

Thibaud : L’année dernière nous ne faisions pas attention au fait de poser les lunch box par terre dehors au soleil etc. Maintenant, nous nous assurons qu’elles restent à l’intérieur et hors sol. Quand nous faisons de la cuisine avec les enfants nous portons tous des gants et des charlottes pour éviter de transmettre des bactéries. Maintenant nous avons une infirmerie. Ce lieu réservé pour accueillir des enfants qui seraient malades, cela leur  fait beaucoup de bien. L’objectif n’est pas seulement d’avoir l’accréditation mais aussi de savoir ce qu’il faut faire pour avoir un centre agréable et qui fonctionne bien. 

Question : Est-ce que les “standards” de l’American Camp Association vous rappellent les critères du ministère de la Jeunesse et des Sports en France ?

Thibaud : Je ne sais pas exactement car je n’ai jamais été directeur en France mais j’ai déjà été responsable d’une colonie de vacances. Les normes pour la cuisine sont sensiblement les mêmes sauf qu’en France on doit faire des échantillons. Ici nous ne cuisinons pas (ndlr: sauf un projet culinaire hebdomadaire de cuisine froide ou très simple). En termes de mise en sécurité physique et morale de l’enfant, nous sommes largement au même niveau voire plus qu’en France. Si le centre de Mountain View était inspecté, il serait largement accrédité par Jeunesse et Sports en France

Louis : En France on survole les questions de sécurité et on n’a pas l’impression que c’est la priorité. En France je suis conscient des normes mais je n’ai jamais été contrôlé (ndlr: les inspecteurs de l’ACA ont visité trois camps dont celui d’Emeryville).  

Question : Que peux-tu nous dire sur les taux d’encadrement en France par rapport aux taux d’encadrement de l’American Camp Association ?

Thibaud : En France pour des enfants de 1 à 6 ans, c’est un adulte pour 8 enfants, ici c’est un pour 5. C’est l’idéal pour générer du langage. Pour les plus grands, il faut aussi laisser de l’autonomie. Ils ne sont pas à l’école mais en vacances ! EFBA emploie aussi des mineurs salariés ou bénévoles dans ses centres pour garantir l’immersion. 

 

Taux d’encadrement prescrits par l’ACA : Au moins 1 adulte pour 6 enfants de 4 à 5 ans, 1 adulte pour 8 enfants de 6 à 8 ans, 1 adulte pour des enfants de 9 à 11 ans. Pour l’ACA, les mineurs ne comptent pas dans les taux d’encadrement. 20% du personnel au plus peut être mineur. Le directeur ou la directrice doit avoir 25 ans minimum. Normes de l’American Camp Association / Normes de Jeunesse et Sports

 

Question : Est-ce que cela va changer ta vision des choses quand vous rentrerez en France ? 

Thibaud : C’est certain, je sais que je vais rentrer en France avec un tout autre état d’esprit ! Par exemple, en France, on n’est pas préparé en cas d’intrusion dans l’école. Alors que malgré tout cela peut aussi arriver en France. Ici, nous avons été formés à toutes les éventualités : tremblements de terre, incendie, disparition d’enfant, intrusion armée. En France, les animateurs ne sauraient pas comment réagir. Maintenant, je me sens pleinement capable et préparé. 

Julia : Il y a de bonnes choses à prendre ! Par exemple la vérification de la température du frigo deux fois par jour. Si le lait tourne et qu’on le donne à un enfant, on va rejeter la responsabilité sur le directeur. Avec la prise de température, tu protèges les enfants et tu te protèges. Un autre exemple : le taux d’encadrement des enfants ! Ce serait vraiment idéal d’avoir les mêmes en France ! Maintenant je m’assurerai que tous les enfants comprennent la consigne parce qu’ici j’ai pris conscience de l’hétérogénéité des niveaux, qu’un enfant pouvait ne pas avoir compris un mot, même si j’explique en français en France. 

 

Propos recueillis par Gabrielle Durana. 

 

 


 

Entretien avec Gabrielle Durana, directrice générale de EFBA. 

Question : Pourquoi avoir demandé une accréditation pour vos centres aérés ?

Gabrielle : Cela fait longtemps que je m’intéresse à la question des normes de bonne gestion d’un encadrement collectif d’enfants. Quand j’ai lancé le premier centre aéré d’immersion francophone à Mountain View en 2012, j’ai cherché des normes applicables et j’ai été très surprise qu’il n’y ait pas de système d’agrément des accueils de vacances pour les jeunes, comme en France. Je pensais qu’il devait bien exister un organisme qui contrôlait que les choses étaient bien faites. J’ai découvert l’accréditation de l’American Camp Association, qui organise et diffuse les bonnes pratiques dans le secteur des centres aérés avec ou sans hébergement aux Etats-Unis. J’ai tout de suite voulu demander l’accréditation même si ce n’était pas un système d’agrément (de “licensing”) mais un label qualité. Dans le monde anglo-saxon, les choses fonctionnent souvent par le mécanisme de “soft law”, un organisme organise un secteur économique et met en avant, diffuse et recommande des bonnes pratiques.  “Suivez-les ! Vous pouvez ne pas les suivre, mais si vous les suivez, c’est mieux et vous pouvez mettre en avant un label de qualité”.

Question : Alors qu’est ce qui a changé par rapport à l’année dernière ? 

Gabrielle : Nous avons pris conscience que nous avions des angles morts en termes de sécurité par rapport à des événements de très faible probabilité mais que j’appelle “à conséquences catastrophiques” : tremblement de terre etc. Ce sont des événements très improbables mais pour lesquels il vaut mieux avoir un plan que ne pas en avoir et devoir improviser. L’accréditation a beaucoup amélioré notre compréhension de ce qu’est un système intentionnel de bonne sécurité. L’autre chose qui m’a beaucoup intéressée dans le processus d’accréditation est la mesure des résultats. C’est une approche très anglo-saxonne “What gets measured gets managed”(“ce qui peut être mesuré peut être géré »). Par exemple nous demandons du feedback aux enfants tous les vendredis sur leur vécu dans le centre, nous recueillons l’avis des parents grâce à une enquête hebdomadaire de satisfaction et à des entretiens individuels ex post.  L’analyse de ces données nous permet d’enclencher un cercle vertueux d’amélioration. Voilà des choses que l’accréditation nous a apprises et que nous ne faisons pas avant !

Question : Sur la question des taux d’encadrement, est-ce que c’est similaire ou différent ? 

Gabrielle : Pour nous, cela a représenté un changement car nous avions des mineurs parmi les encadrants pour l’immersion linguistique et maintenant, avec l’ACA, ils ne comptent plus dans le taux d’encadrement. On ne peut pas avoir plus de 20% de mineurs dans une équipe. Tout cela nous tire vers le haut !

 

Propos recueillis par Thibaud Marcheteau. 

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